René Char J'habite une douleur

Publié le par Florence

J'habite une douleur
Le poème pulvérisé (1945-1947)



Ne laisse pas le soin de gouverner ton coeur à ces tendresses parentes
de l'automne auquel elles empruntent sa placide allure et son affable agonie.
L'oeil est précoce à se plisser. La souffrance connaît peu de mots.
Préfère te coucher sans fardeau: tu rêveras du lendemain et ton lit te sera léger.
Tu rêveras que ta maison n'a plus de vitres. Tu es impatient de t'unir au vent,
au vent qui parcourt une année en une nuit. D'autres chanteront l'incorporation
mélodieuse, les chairs qui ne personnifient plus que la sorcellerie du sablier.
Tu condamneras la gratitude qui se répète. Plus tard, on t'identifiera à
quelque géant désagrégé, seigneur de l'impossible.


Pourtant.


Tu n'as fait qu'augmenter le poids de ta nuit. Tu es retourné à la pêche
aux murailles, à la canicule sans été. Tu es furieux contre ton amour au
centre d'une entente qui s'affole. Songe à la maison parfaite que tu ne verras
jamais monter. A quand la récolte de l'abîme? Mais tu as crevé les yeux du lion.
Tu crois voir passer la beauté au-dessus des lavandes noires...


Qu'est-ce qui t'a hissé, une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre?


Il n'y a pas de siège pur.


René Char

Publié dans A vous

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
Il a tout compris lui.
Répondre
G
J'aime beaucoup la poésie de René Char même si elle n'est pas toujours facile d'accès.Merci !
Répondre
L
Ah René Char...ces mots exceptionnels<br /> <br /> Merci<br /> <br /> Bisous
Répondre
F
bon week-end!! bises
Répondre
N
Cela à bugué lorsque je posais mon com. Alors je reviens car je ne sais pas s'il s'est posé. Je vois de l'amertume dans ces beaux vers.une légère révolte aussi. Mais il y a l'espoir chère Florence... toujours<br /> Je t'embrasse<br /> Nettoue
Répondre